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Digressions photographiques

Quand je photographie des villes, des cités,  j’ai l’étrange sensation d’être une voyeuse, cachée derrière son appareil.

Personne ne voit ce que je prends en photo, ni à quel moment je déclenche. Cette sensation de stopper l’instant et de m’en rendre propriétaire est presque désagréable.

Je n’ai pas trop de scrupules cela dit, je sais que je fais attention à ce que je photographie. Je m’arrange pour prendre les gens de dos, ou dans des situations et à des distances qui les rendront méconnaissables. Mais tout de même, il reste quelque chose à voir, toujours, sauf à considérer les êtres comme des lignes, des formes égales au paysage environnant dans lesquels ils se trouvent alors.

Rien ne m’empêche, une fois chez moi , d’effacer les êtres à coups d’outil gomme ; ce serait une manière de régler ma gêne, mais aussi d’ôter la composition de l’image ! Car ils sont toujours pris dans les mailles.

Rien ne m’empêche non plus , de photographier à des instants comme entre parenthèses, où plus personne ne se trouve dans le champ.

Je peux aussi montrer ce que les êtres font, sans les voir pour autant, quitte à les faire renaître, parce qu’en ville, ils sont absolument partout !

Photographier la ville, avec ou sans les êtres qui la remplissent et l’animent, c’est donc photographier l’humanité.

Voici ma préférée : j’ai attendu patiemment pour la prendre, que la jeune fille au téléphone, chez elle, soit le plus possible à la lumière. Je lui dédie cette image, sans la connaître, tant la rue, l’air et la lumière, ainsi que le dessin des ombres sont des échos de l’instant pris.

(cette photo que j’ai appelé “coup de fil” est en vente ici sur ma boutique : https://sophie-desprez.com/produit/coup-de-fil/)

Enfin, après ce concentré d’humanité  (-Arles ce 9 août 2022 incandescent -) , ma course s’achève comme toujours, là où l’humanité n’a pas pris place. Ici l’étang du Fangassier, réduit par la sécheresse, vire au violet, cette teinte subtile et changeante qui se retrouve dans le plumage des flamants rose qui l’habitent.

11 août 2022.

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