Il y a quelques jours, je suis passée en coup de vent près de Reillanne , dans les Alpes de Haute Provence, non loin de chez moi. Je cherchais des fleurs rares, des oiseaux précieux et des paysages de haute valeur esthétique pour mon plaisir naturaliste. Soudain à cet endroit je n’ai pu m’empêcher de photographier cet homme en plein labeur, malgré ma réticence à ce genre de photographie à la frontière du voyeurisme et de l’indécence. Pourquoi ? Parce qu’en cadrant, je me suis rendue compte que c’était une image intemporelle.
Nous sommes en 1973, j’ai huit ans et l’on passe dans la campagne… je vois par la vitre arrière où je me tiens assise, cette scène banale pour une petite fille, et habituelle lors de nos promenades vagabondes… Non , nous sommes en 1930, je ne suis pas née mais je suis en train de lire le Regain de Jean Giono… ou bien, pourquoi pas , Que ma joie demeure… C’est vrai que Manosque est à quelques kilomètres seulement et Jean a peut-être vu cet endroit, en mai quand ils font les foins, comme moi.
Cette bâtisse date de quel siècle ? Combien d’hommes et de femmes se sont occupés à ratisser le foin fraîchement coupé pour qu’il sèche bien, là, à cet endroit précis ?
J’estime avoir une chance fabuleuse, inouïe d’avoir vu cette scène dans cet endroit et encore plus merveilleuse la chance d’avoir pu la photographier, et de la partager ici , à l’heure d’aujourd’hui. Chaque jour qui passe me persuade davantage que le sens de la vie même est l’immobilisme.
Sur la route de Reillanne (04) , dimanche 24 mai 2020.