On vit. Au hasard des naissances, selon la nécessité des travaux. On habite des lieux dont on ne sait souvent rien tant l’indifférence est peut-être devenue le seul bien commun, l’unique communauté d’une absence en laquelle nous errons ou résidons parfois, ignorant le nom des chemins qui si longtemps conduisirent chacun vers l’accomplissement d’un destin certes borné, et dont la maigre mesure à nos yeux paraît être le fruit d’une indigence autant spirituelle que matérielle, mais qui n’effaçait pas tout à fait la réalité d’un sens.
On est seul au fond. Sans lieu. Sans durée. On a peur. Si peur que vivre ici, vivre ailleurs, vivre somme toute n’importe où, n’a plus aucune importance.
La trame du temps, celle de l’espace sont défaites. On rêve alors quelquefois. Ou l’on ne rêve plus. On ne se souvient plus que de l’oubli qui nous accable.
Lionel Bourg – L’oubli et la mémoire des lieux // Plaine d’Alsace, août 2019 – Lit de l’Ouvèze, septembre 1992 (photo Claude-Michel Desprez) – Massif des Cèvennes août 2019.